Peut-on se Servir de la Bible pour Débattre dans une Capitale Laïque
Télécharger l’étude BibliqueAu fil des années, j’ai passé énormément du temps à étudier les systèmes apologétiques et les approches évangéliques en rapport avec les dirigeants politiques. Un dirigeant chrétien doit-il éviter d’utiliser les Écritures comme son autorité si les autres ne les considèrent pas comme faisant autorité ? Plus largement, au-delà de l’évangélisation, le croyant doit-il débattre en faisant référence à la Bible dans un Capitole de plus en plus laïc par rapport aux questions politiques ?
Ce qui suit est une étude de l’approche de la persuasion de Paul lorsqu’il s’adresse à un public laïc, telle qu’elle est décrite dans le livre des Actes. L’étude de ce passage nous permettra de nous concentrer sur ce sujet – et je dois ajouter d’emblée que ce que nous apprendrons ici n’est pas incompatible avec d’autres passages et ce qu’ils enseignent sur ce sujet dans l’ensemble des Écritures.
Gardez également à l’esprit que la pratique de Paul concernant cette question a eu pour résultat la venue à Christ d’un dirigeant politique. (Actes 17 :34).
Bonne lecture cher ami,
I. INTRODUCTION
Dans le livre des Actes des Apôtres, au chapitre 17:22-31, le docteur Luc rapporte l’un des sermons de l’apôtre Paul. L’étude de ce sermon est tout à fait fascinante car elle révèle comment Paul s’y est pris pour persuader les non-croyants avec la vérité biblique. Plus précisément, nous assisterons ici à l’annonce de vérités kérygmatiques (“l’acte de proclamer publiquement l’Évangile”) aux philosophes séculiers athéniens, ou mieux, aux idéologues de la Grèce antique. Ce passage des Écritures est très instructif et donc profondément important, parce qu’il fournit un exemple et une thèse, pour développer notre propre compréhension personnelle et fondamentale de l’approche bibliquement correcte afin de défendre (cf. 1Pierre 3:15) et de proclamer (cf. Colossiens 1:28) des vérités éternelles aux non-croyants. Il s’ensuit que :
UNE ETUDE APPROFONDIE D’ACTES 17 DONNE DES LIGNES DIRECTRICES POUR COMMUNIQUER LA VERITE AUX PERSONNES NON REGÉNERÉES
Ce sermon révèle que l’approche apologétique (“Justification, défense contre une attaque”) de l’apôtre Paul était présuppositionnelle par nature. En d’autres termes, le contenu et les résultats du sermon présupposent l’autorité absolue et finale des Écritures, en ce qui concerne sa base épistémologique (” l’enquête philosophique sur la nature, les sources, les limites et les méthodes d’acquisition de la connaissance “)1 pour l’argumentation. Si Paul a utilisé les Écritures comme base dans le monde du premier siècle, à l’intention d’un public séculier, ne faut-il pas en déduire que les croyants d’aujourd’hui devraient utiliser les Écritures comme point de départ et autorité finale pour tout raisonnement et toute entreprise d’apologétique et d’évangélisation ? Je pense que oui !
Pourquoi est-ce que je dis que le sermon de Paul dans le chapitre 17 des Actes des Apôtres est présuppositionnel ? Pourquoi est-ce que je dis que vous devriez présupposer l’autorité de la Parole de Dieu lorsque vous parlez ? S’il vous plaît, lisez attentivement les six prochains points pour espérer former des convictions similaires dans votre propre cœur.
II. L’ANALOGIE SCRIPTURAIRE
Le principe séculaire de l’analogie scripturaire dans l’approche grammatico-historico-normative de l’interprétation des Écriture (Herméneutique) nécessite que la Bible, ou tout autre livre pertinent, ne soit pas intrinsèquement contradictoire jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’elle l’est. Une autre façon de le dire est que chaque livre et son auteur sont innocents jusqu’à ce qu’ils soient prouvés coupables de se contredire. On peut encore le dire autrement, si Dieu est caractéristiquement véridique (“exact et précis”) et immuable (“ne connaissant pas de changement ou de développement”), et si toute Écriture est inspirée de Dieu (théopnuestos) (cf. 2Timothy 3:16), alors il s’ensuit qu’en raison de la nature caractéristique de Dieu Lui-même, le Livre dont Il est l’auteur ne serait pas intrinsèquement contradictoire ! Les soixante-six livres de la Bible qui sont inspirés (ou mieux, “soufflés”) de Dieu, selon Son propre témoignage, contiennent une intégrité indépendante et interdépendante jusqu’à preuve du contraire. C’est la maxime sous-jacente de ce principe herméneutique (“la discipline de l’interprétation des textes sacrés”) connu sous le nom de l’Analogie scripturaire.
À ce stade, vous vous demandez probablement comment cela s’applique à cette étude. Je vais tout mettre ensemble dans un instant. Mais d’abord, remarquez ce que Paul déclare dans Romains, chapitre 1:18-20 :
La colère de Dieu se révèle du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui retiennent injustement la vérité captive car ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, Dieu le leur ayant fait connaître En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient comme à l’oeil, depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. Ils sont donc inexcusables.
L’Apôtre déclare que les hommes connaissent Dieu, et qu’Il est manifeste pour eux ! Cependant, bien qu’Il soit manifeste pour eux, au lieu de le reconnaître, ils retiennent injustement la vérité captive. Cette réaction typique est due à la chute de l’homme et à sa rébellion contre Dieu en raison de sa nature pécheresse inhérente. Remarquez ce que Jean 3:19 dit à ce sujet : « Et ce jugement c’est que, la lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. »
Il s’ensuit que les sermons transcrits de Paul dans les sections narratives, historiques et chronologiques de la Bible (comme dans Actes 17) ne contrediraient en aucune façon ce qu’il a écrit – sous l’inspiration du Saint-Esprit – dans les sections théologiques, comme le livre des Romains, chapitre 1:18-20. Les sections narratives de la Bible (le Livre des Actes), lesquelles sont importantes et liées au principe herméneutique de l’Analogie Scripturaire devraient illustrer (en action) les sections théologiques de la Parole de Dieu. En fait, il est difficile de penser que Paul puisse avoir une quelconque intégrité personnelle ou une crédibilité sérieuse si ce qu’il écrit dans le chapitre 1 de Romains n’est pas utilisé principalement et spécifiquement dans sa prédication, comme dans son sermon en Actes 17.
Tout cela pour dire que le critique littéraire ou celui qui tente de comprendre le sens ce qui est dit dans Actes 17 doit se servir du principe herméneutique de l’Analogie Scripturaire : ce que Paul veut dire par son usage des mots dans Actes 17 devrait être analogue (“ressemblance dans certains détails entre des choses différentes”)2 à ses écrits ailleurs, comme dans Romains 1:18-20. L’auteur doit être considéré comme innocent d’autocontradiction, à moins qu’il n’existe des preuves démontrant le contraire.
Une brève illustration de ce principe est l’alignement de Romains 1:18-19 et d’Actes 17:22-23. Dans ce passage des Actes, Paul affirme que les Athéniens étaient aussi bien religieux qu’ignorants. Ceci est similaire au contexte et à la signification de Romains 1:18-19 où il déclare que les hommes connaissent Dieu (c’est-à-dire qu’ils sont religieux) mais qu’ils retiennent injustement cette connaissance captive (c’est-à-dire qu’ils sont coupablement ignorants).
De plus, dans les passages parallèles, des règles d’interprétation telles que l’Analogie Scripturaire exigent que les passages les plus faciles à comprendre aident à clarifier les passages les plus difficiles, afin de ne pas se contredire.
Par conséquent, le sermon de Paul en Actes 17 doit être interprété dans le contexte de ses enseignements dans d’autres épitres, ce qui inclut non seulement le passage du chapitre 1 de Romains déjà mentionné, mais aussi d’autres passages tels que 1Corinthiens 1:17-25. Il convient d’accorder à l’auteur le bénéfice du doute, plutôt que d’effacer son intégrité littéraire en l’absence de preuves empiriques. En somme :
ACTES 17 DOIT ÊTRE PRÉJUGÉ ET INTERPRÉTÉ PAR D’AUTRES PASSAGES PAULINIENS.
On doit assumer son intégrité de pensée et de croyance d’un livre à un autre jusqu’à preuve du contraire. Autrement dit, et en appui direct de l’argument que je suis sur le point de présenter, Paul n’annonce pas un principe à un endroit puis un autre principe contradictoire ailleurs dans ses écrits et à une date ultérieure.
Permettez-moi maintenant de mettre ensemble tout ce qui a été évoqué : À la lumière de l’Analogie Scripturaire, le sermon de Paul en Actes 17 doit porter en lui la prédisposition du présupposé tel qu’il l’enseigne dans Romains, chapitre 1. Ceci est d’une importance cruciale pour la prochaine argumentation dans cette étude biblique (sinon je n’aurais pas utilisé autant d’espace pour le souligner). Un commentateur particulier de ce sermon, Bahnsen, a merveilleusement et avec justesse résumé tout ce que j’ai dit de manière beaucoup plus étroite concernant le sermon de Paul dans Actes 17 : “sa doctrine est une reprise de la pensée de Romains transformée en impulsion missionnaire”.3
III. LE CONTEXTE ANTERIEUR IMMEDIAT DU PASSAGE
Dans le contexte géographique antérieur des Actes des Apôtres, plus précisément au chapitre 17, Paul se trouvait respectivement à Thessalonique et à Bérée. Il convient de noter ceci : Dans chacun de ces deux endroits, immédiatement avant son arrivée à Athènes, Paul a singulièrement utilisé les Écritures pour présenter l’Évangile. Notons Actes 17:2, relatif à sa proclamation à Thessalonique,
Paul y entra, selon sa coutume. Pendant trois sabbats, il discuta avec eux, d’après les Écritures.
Ce passage indique que la discussion … d’après les Écritures n’était pas quelque chose que Paul décidait par hasard de faire dans cette unique occurrence relatée dans notre passage de base de Actes 17 :22-31; Il est évident que ce que Paul a fait lorsqu’il a pris la parole à Athènes était également selon sa coutume. Le mot que Luc utilise ici pour coutume(etho) signifie “être habitué à, ou faire partie de”. Il est utilisé ailleurs pour décrire l’habitude de Jésus d’aller à la synagogue le jour du sabbat pour lire (Luc 4:16), et son habitude d’enseigner ses disciples (Marc 10:1). L’habitude de Paul, issue de sa conviction, était de toujours discuter d’après Les Écritures.
Un peu plus tard, dans Actes 17:11, Paul est amené à Bérée où il est dit des Juifs :
Ces Juifs avaient des sentiments plus nobles que ceux de Thessalonique ; ils reçurent la parole avec beaucoup d’empressement, et ils examinaient chaque jour les Écritures, pour voir si ce qu’on leur disait était exact.
Une fois de plus, implicitement illustré, Paul parlait à partir de la Parole, elle était la base de ses déclarations. Il n’a pas été dit des Beiréens qu’ “ils ont reçu la philosophie de Paul” ou “ils ont reçu ses pensées”. Mais plutôt qu’ils reçurent la Parole…
En arrivant de Bérée à Athènes, Paul était en quelque sorte en mission en attendant que Silas et Timothée arrivent et le rejoignent (v. 15, 16). Pendant ce temps, il a été irrité par l’idolâtrie dans la ville. Sa réponse ? Il prêche Jésus et la résurrection (v. 18). À l’instar du sermon de Pierre sur le même sujet en Actes 2, Paul a sans doute parlé non pas de la relation entre le christianisme et la philosophie grecque, mais de la victoire du Christ sur la mort et le péché (cf. Actes 15, 36 ; 16, 17, 31, 32).
Nulle part dans ces passages antérieurs au sermon d’Athènes, on ne trouve la moindre trace d’une preuve suggérant que Paul a joué sur les positions courantes de ses auditeurs afin d’établir un rapport philosophique avec eux et de raisonner ensuite en dehors des Écritures à partir de ce moment. Il s’agit d’une distinction contextuelle importante à faire avant d’interpréter le sens du sermon d’Athènes qui, à la première lecture, peut sembler contraire au sens de ce paragraphe.
IV. L’APPEL DE PAUL À LA CONSCIENCE ACTES 17 :22-23
Athènes était le centre culturel du monde grec. C’est là que se trouvaient les pères de la philosophie grecque, dont Socrate, Aristote et Platon. En conséquence, ce sermon contient et est une confrontation entre la doctrine chrétienne et la philosophie grecque par l’un des plus grands porte-parole du christianisme. Par conséquent, dans un sens spirituel :
LE CADRE EST SIMILAIRE À UN DÉBAT PRÉSIDENTIEL, OU À UN CHAMPIONNAT DANS LE MONDE DU SPORT. IL S’AGIT D’UN CHOC DE TITANS PHILOSOPHIQUES DANS LE MONDE ANTIQUE.
Il faut le considérer comme rien de moins ! Dans le cadre de cette étude, il est important d’identifier si Paul a utilisé la pensée grecque comme point de départ de la connaissance commune, ou s’il a utilisé d’autres dispositifs de transition pour passer à une présentation de la vérité basée uniquement sur la révélation scripturaire. Particulièrement et en guise d’application, la manière dont le croyant doit aborder les conflits de paradigmes philosophiques servira de modèle à tous ceux qui voudront proclamer la vérité au cours des siècles à venir – ainsi qu’à vous et moi dans la communauté politique de la capitale.
ACTES 17:22 MARQUE LE POINT DE DEPART DE CE SERMON. APRES AVOIR ETE TRAINE DEVANT L’AREOPAGE (CEUX QUI “CONTROLAIENT” LA PHILOSOPHIE GRECQUE), PAUL SE LANCE. PAR RAPPORT A SES OBSERVATIONS PRECEDENTES SUR LES PLACES DE MARCHE, IL DECLARE :
Paul, debout au milieu de l’Aréopage, dit: Hommes Athéniens, je vous trouve à tous égards extrêmement religieux. Car, en parcourant votre ville et en considérant les objets de votre dévotion, j’ai même découvert un autel avec cette inscription : A un dieu inconnu ! Ce que vous révérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce.
Les remarques préliminaires de Paul indiquent apparemment qu’il tente de trouver un terrain commun avec son auditoire, en faisant des déclarations dans le but de jeter des ponts tout en reconnaissant la valeur de certaines de leurs coutumes. Mais à y regarder de plus près, ce n’est pas du tout le cas ! Tout d’abord, le mot grec signifiant “extrêmement religieux” (deisidaimonia) peut également être interprété comme “quelque peu superstitieux”. Ainsi, plutôt que d’être une tentative de tisser une camaraderie, il s’agissait plus vraisemblablement de l’amorce d’une légère condamnation de leur rétention en captivité de ce qu’ils savaient intrinsèquement. Ce sens de deisidaimonia semble être la pensée la plus probable de Paul, étant donné qu’il poursuit en disant qu’ils adorent un dieu inconnu …sans le connaitre ! Utilisés au début de toute conversation, ces deux derniers groupes de mots, lorsqu’ils sont mis ensemble, ils ne sont guère attachants. L’utilisation antérieure de la déisidaimonia par Paul n’était donc pas destinée à être une déclaration d’affection amicale, de peur qu’il ne passe pour un schizophrène d’une déclaration antérieure à une autre.
Deuxièmement, pour ajouter à cette compréhension du passage, Paul souligne immédiatement que les Grecs attestaient d’une certaine forme de théisme, comme en témoignent leurs inscriptions sur un autel, A UN DIEU INCONNU. Le fait que Paul dise qu’ils adoraient prouve les prédilections théistes internes de chaque homme au cours de l’histoire. Pourtant, ce dont ils sentent la présence, Paul dit qu’ils choisissent de l’ignorer. Cette compréhension de ce que Paul entend par son choix et son utilisation du mot sans le connaître serait conforme à la manière dont il utilise ce mot dans Éphésiens 4:18 :
Ils ont l’intelligence obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur.
Le choix du mot ignorance (agnoia, le même mot que celui utilisé par Paul en Actes 17:23) n’implique pas une déficience intellectuelle, mais plutôt une déficience de culpabilité, car Paul résume l’état d’esprit des païens. Pour illustrer cette différence, c’est comme si un policier arrêtait une personne sur l’autoroute et lui demandait : “Saviez-vous que vous étiez en excès de vitesse ?”. Ne pas savoir honnêtement que vous étiez en excès de vitesse (par exemple, si votre compteur de vitesse était en panne) indiquerait une ignorance basée sur une insuffisance d’information. Mais savoir, au plus profond de sa conscience, que l’on est en excès de vitesse et parler ensuite de sa prétendue ignorance est une toute autre affaire. Cette dernière est définitivement une ignorance coupable, une rétention en captivité de la vérité. C’est se mentir à soi-même, c’est une ignorance blâmable.
C’est le sens que Paul donne ici à son choix de mots. En effet, dès le départ, son vocabulaire d’Actes 17 indique qu’il affirmait à ses auditeurs qu’ils étaient coupables de dissimulation ou, pour reprendre le sens synonyme d’ignorance tel qu’on le trouve dans Éphésiens 4:18, ils possédaient un cœur endurci. En analogie avec L’enseignement de Paul dans Romains 1, la salve d’ouverture de Paul annonçait le fait que les philosophes athéniens retenaient injustement en captivité ce qui était manifeste pour eux (Romains 1:19) dans leur conscience.
Ernest Best, qui a mené des études intensives sur la plupart des mots grecs utilisés par Paul dans Éphésiens, déclare :
L’ignorance semble avoir une place unique face à la connaissance de Dieu… l’ignorance, le péché et l’incrédulité sont étroitement liés [par l’auteur des Éphésiens].
Il poursuit en disant,
[L’interprétation de l’ignorance] exprime la même pensée d’une autre manière, à savoir l’endurcissement du cœur.4
Si telle est la signification de l’ignorance, alors ce n’est guère un style attrayant que de commencer essentiellement un discours par : “vous avez le cœur dur !” Cette méthode de communication ne semble pas servir l’objectif d’une large réceptivité de l’auditoire ! En effet, il s’agit d’une communication courageusement audacieuse qui est habilitée par nul autre que le Saint-Esprit ! Oh puissions-nous avoir aujourd’hui des hommes pareils au sein de la communauté politique de la capitale : à la fois audacieux et aimants ! (Cf. Prov. 3:3.)
La mention par Paul de l’inscription de leur autel, compte tenu de ces observations précédentes, prend maintenant une toute autre connotation, c’est-à-dire “vous pouvez dire publiquement que Dieu est inconnu, mais au fond de vous, vous savez que ce n’est pas vrai”.
Cette déclaration traduit la conviction de Paul que les laïcs athéniens retenaient injustement en captivité la vérité concernant Dieu – vérité inhérente qu’ils possédaient dans leur conscience ! De manière polie (d’une façon qui ne transgresse pas 1Pierre 3:15b), Paul faisait savoir que leur ignorance était coupable. L’inscription sur l’autel, pour l’évangéliste expérimenté, s’avérait être une preuve à première vue de l’existence d’un cœur endurci. En conséquence, le raisonnement de Paul dans Actes 17 est exactement parallèle à celui qu’il exprime dans Romains 1:19-20 : …qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux… Ils sont donc inexcusables.
Le début de ce sermon est crucial et révélateur. Il ne présente aucune tentative d’apologétique évidente, si ce n’est la primauté de l’utilisation des Écritures. Paul a d’emblée modelé et illustré tout le contenu de l’introduction de son sermon pour être un” coup de massue” rapide et violent à la philosophie et l’épistémologie grecques inventées par l’homme. De manière étonnante et en contraste avec la plupart des présentations de la vérité aujourd’hui, quelques instants après le début de son discours, Paul déclare (je paraphrase) :
C’est pourquoi, ce que vous avez choisi d’adorer faussement, à cause de votre rétention en captivité de la vérité et de l’endurcissement de votre cœur, je vous le proclame avec autorité …
Au lieu de construire son message lentement à partir de fondements supposés communs entre la philosophie grecque et le christianisme, Paul lance avec amour des mots qui servent à révéler l’impuissance philosophique et théologique des auditeurs. Voici donc, sous forme écrite, un argument saisissant (dans ce cas, lié à l’Évangile) singulièrement soutenu et formé à partir des Écritures.
Enfin, en ce qui concerne la conclusion des deux premiers versets de son sermon, lorsque Paul déclare : “Je vous l’annonce“. Le mot grec qu’il invoque, kataggello, qui est traduit par le mot annoncer, est le même mot grec utilisé ailleurs dans le Nouveau Testament pour désigner la proclamation solennelle et officielle de l’Évangile fondée sur les Écritures (par exemple, Actes 3:18 ; 1Cor. 9:14 ; Gal 1:11-12).
En résumant les deux premières strophes de son sermon, Paul a établi une antithèse épistémo- logique entre les fondements ignorants, autonomes et indépendantes de la philosophie grecque et l’autorité établie par Dieu qui découle d’une révélation de Dieu et de sa vérité prééminente, laquelle est donnée par Dieu lui-même.
V. LE RECOURS DE PAUL À LA CRÉATION ACTES 17 :24-28A
Poursuivant dans le même ordre d’argumentation parallèle à Romains 1:18-20, Paul combine maintenant le témoignage intérieur de la conscience (comme mentionné précédemment par son utilisation du mot grec traduit en français par sans le connaitre (ignorance) en Actes 17:22-23) avec le témoignage extérieur de la révélation naturelle, c’est-à-dire la création. Actes 17:24-28a déclare :
Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite point dans des temples faits de main d’homme ; il n’est point servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses. Il a fait que tous les hommes, sortis d’un seul sang, habitassent sur toute la surface de la terre, ayant déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure ; il a voulu qu’ils cherchassent le Seigneur, et qu’ils s’efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu’il ne soit pas loin de chacun de nous, car en lui nous avons la vie, le mouvement, et l’être.
Paul confirme aux Athéniens que toute l’humanité – si elle vit dans le déni du Christ — est sans excuse. D’un point de vue scripturaire, ce n’est pas comme si les gens ne connaissaient pas l’existence de Dieu, au contraire, Paul dit, en accord avec Romains 1, qu’Il n’est pas loin de chacun de nous. L’ignorance coupable est inexcusable aux yeux de Dieu ; il s’est fait connaître à tous par la conscience et la création. Si l’on répond à la révélation naturelle que Dieu a accordée par le biais de la conscience et de la création, Il se montrera fidèle pour accroître cette révélation de Lui-même au point de rendre le salut en Christ toujours possible. C’est ce que l’on appelle de manière théologiquement juste “la révélation progressive et réactive de Dieu”. Voici donc la réponse à la question souvent posée :
QU’EN EST-IL DES PAÏENS EN AFRIQUE ?
La conscience et la création (ou révélation naturelle) attestent toutes deux du fait que Dieu est connaissable. L’appel de Paul à la révélation naturelle sert ici son objectif de mieux cerner la culpabilité des Grecs. Dieu n’est pas loin de chacun de nous ou impossible à connaître. Cette révélation naturelle, si elle n’est pas masquée ou retenue injustement en captivité, elle crée un désir de rechercher Dieu. Bahnsen résume cette question lorsqu’il déclare :
[L’homme] est responsable parce qu’il possède la vérité, mais il est coupable de ce qu’il fait de la vérité.5
Dieu s’est révélé à l’humanité intérieurement (conscience) et extérieurement (création) ; cela signifie qu’il est facile de le trouver – et, à l’opposé, l’Évangile du salut est simple à proclamer et à comprendre. Par ailleurs, les Grecs ont retenu injustement captif ce qu’ils savaient être la vérité et, pour faire diversion au témoignage intérieur de leur conscience qui atteste de la présence de Dieu, ils adoraient leurs dieux au Parthénon, que Paul décrit ici dans son sermon comme ceux qui habitent des temples faits de main d’homme. Depuis l’Aréopage, on se trouve directement sous le Parthénon ; Paul aurait pu facilement faire un geste de la main pour illustrer ce dont il parlait.
En résumé de cette section de son sermon, Paul a franchement et sans détour réfuté les dieux humainement crées des Grecs. Il ne les a pas utilisés et n’a pas construit son sermon à partir d’un supposé dénominateur commun ; au contraire, il a outragé et réfuté avec audace leurs idées humaines sur le théisme.
VI. LE RECOURS DE PAUL À LA CONTRADICTION ACTES 17, 28B-30A
Plus loin dans le corps du sermon de Paul, on trouve une citation résumée, non pas de l’Ancien Testament, mais plutôt de sources séculières, à partir du verset 28b :
C’est ce qu’ont dit aussi quelques-uns de vos poètes: De lui nous sommes la race… Ainsi donc, étant la race de Dieu, nous ne devons pas croire que la divinité soit semblable à de l’or, à de l’argent, ou à de la pierre, sculptés par l’art et l’industrie de l’homme. Dieu, sans tenir compte des temps d’ignorance.
Pourquoi Paul cite-t-il ces sources extrabibliques alors qu’en fait, les Écritures étaient la seule base d’autorité de Paul ? Ne vous méprenez pas sur ce que Paul tente d’accomplir ici : il ne s’agit pas d’une tentative de trouver un terrain commun avec la philosophie grecque ! La raison pour laquelle ils sont inclus est qu’il s’agit de sources grecques secrètes qui servent à contredire leurs propres croyances grecques ! L’une d’entre elles, est la notion précieuse que Paul a déjà citée, selon laquelle les dieux grecs habiteraient des temples faits de main d’homme ! Paul est entrain de schématiquement questionner ses auditeurs : “laquelle de ces conceptions théistes grecques opposées est correcte ?” Ces citations contradictoires sont tirées des poètes crétois Epimendes et Aratus (originaires de la ville natale de Paul). Elles servent toutes deux à illustrer de façon émouvante l’autonomie de l’autorité grecque ou, comme le dit l’épître aux Romains, l’ineptie de vouloir retenir injustement captive la propension de la recherche et de la découverte du vrai Dieu.
Les poètes eux-mêmes sont des gens qui savent ce qu’est Dieu, mais qui, par manque de soumission au témoignage de la conscience et de la création, ont laissé leur impiété entraver leur quête de Dieu. Encore une fois, Jean 3 :19 énonce cette tendance de la condition pécheresse de l’âme de l’homme en dehors de l’intervention de l’Esprit Saint rédempteur : les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Stonehouse commente adroitement ce que ces poètes attestent : “… les poètes païens, dans l’acte même de retenir injustement la vérité captive et de la pervertir, ont présupposé qu’ils en étaient conscients à une certaine mesure. “6
L’importation par Paul de cette pensée séculière vise à illustrer une fois de plus, d’une autre manière, ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux (Romains 1:19) et que, puisque ayant connu Dieu, [par leur conscience et la révélation naturelle] ils ne l’ont point glorifié comme Dieu (Romains 1:21). (Les inclusions entre parenthèses sont les miennes pour souligner le contexte et aider à la compréhension).
Pris en tenaille au milieu de la thèse singulière de Paul concernant l’existence d’une ignorance coupable, il y a ces deux personnalités séculières, jumelles dans la pensée, qui servent bien Paul ; leurs citations sont propices et utiles pour illustrer – mises en évidence dans et par leurs propres écrits culturels ! – la pensée exacte du sermon de Paul. Paul utilise habilement leur propre source faisant autorité pour faire passer son message.
Paul ne fait pas l’éloge des doctrines stoïciennes ou n’utilise pas des idées païennes pour compléter son sermon avec une verbosité mondaine et une “digestibilité séculière”, comme le postulent souvent les membres du “mouvement évangélique en quête de sensation. Agir de la sorte serait intérieurement et théologiquement contradictoire à la perspective de Paul telle qu’elle a été citée précédemment et vue ailleurs dans les Écritures. Il s’ensuit que cette partie du sermon ne peut être considérée comme un acquiescement ou une tentative d’identification à un public païen.
VII. LE RECOURS DE PAUL À LA CONVERSION ACTES 17 :30-31
La dernière section du discours de Paul est un appel à la repentance et un avertissement du jugement à venir :
Dieu, sans tenir compte des temps d’ignorance, annonce maintenant à tous les hommes, en tous lieux, qu’ils aient à se repentir, parce qu’il a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice, par l’homme qu’il a désigné, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant des morts…
Cette section est tout sauf une tentative de trouver un terrain commun avec les philosophes grecs. C’est l’apogée de l’antithèse de leurs idées grecques séculaires. C’est un appel audacieux, que d’abandonner leurs philosophies sans fondement et de se tourner vers le Christ !
“Paul voulait que les philosophes ne se contentent pas d’affiner un peu plus leur pensée et d’y ajouter quelques informations manquantes, mais qu’ils abandonnent leurs présuppositions et changent complètement d’avis, se soumettant à la révélation claire et autoritaire de Dieu”.7
Le consentement à la repentance signifiait vivre sans ignorance coupable et sans conflit noétique. Ne pas se repentirsignifierait prolonger l’autonomie épistémologique, ou mieux, s’accrocher à un orgueil égocentrique où l’on demeure l’autorité impériale et l’arbitre en toutes choses. C’est la personne impénitente, dit l’Apôtre qui subira le jugement de Dieu. Peut-être que c’est de vous qu’il s’agit ?
EST-CE QUE VOUS “CRÉEZ DIEU À VOTRE IMAGE” ?
ÊTES-VOUS “L’ARBITRE FINAL DE TOUTE CROYANCE ?”
EST CE QUE VOUS CREEZ DIEU DE VOS PROPRES MAINS ?
Quelle prétention humaniste ! “Je suis l’autorité finale de ce qui est vrai ! Je n’ai besoin d’aucune autre source, car je suis mon propre dieu !” Ce sont ceux-là qui ont besoin de se repentir et de venir au Christ de peur de subir le jugement de Dieu. Votre conscience retenue captive témoigne de ce que je dis – que ce que je dis est vrai concernant votre condition actuelle.
VIII. RESUME
Ces six facettes du sermon de Paul en Actes 17 représentent des vérités parallèles à sa théologie de Romains 1:18-20. Le fait qu’il s’agisse d’un portrait et d’une présentation vivides de l’apologétique présuppositionnelle est mis en évidence par les éléments suivants.
- L’analogie scripturaire
- Le contexte antérieur immédiat.
- Le recours de Paul à la conscience
- Le recours de Paul à la création
- Le recours de Paul à la contradiction
- Le recours de Paul à la conversion
Robert Reymond, dans son livre The Justification of Knowledge, résume savamment la philosophie de communication de Paul :
Il suffit d’une lecture superficielle des Actes des Apôtres pour constater que Pierre, Etienne, Philippe et Paul, dans leurs sermons missionnaires aux nations, n’exhortent jamais les hommes non sauvés à faire autre chose que de se repentir de leurs péchés et de s’incliner dans la foi devant Dieu qui s’est révélé en Jésus-Christ pour le salut des hommes. Ils ne laissent jamais entendre dans leur discours que leurs auditeurs peuvent légitimement mettre en doute l’existence du Dieu Christique, la véracité des Écritures, ou l’historicité de la mort et de la résurrection du Christ avant l’engagement personnel. Jamais, par leur recours aux “preuves”, ils impliquent que ces “preuves” justifient leur message… La repentance envers Dieu et la foi en Jésus-Christ sont la seule réponse juste du pécheur à l’ensemble du témoignage apostolique.8
IX. APPLICATION
Peut-on se servir de la Bible pour débattre dans une capitale laïque? Le sermon d’Actes 17 est le modèle pour la capitale en ce qui concerne l’utilisation des Écritures comme autorité finale de la vérité et ou l’évangélisation et la défense de la foi : Dans toutes les capitales du monde, les gens savent déjà que le Christ est Dieu, que la Bible est vraie et qu’ils doivent se repentir de leur autorité et de leurs autonomies autoproclamées et se mettre à genoux pour se soumettre à l’autorité de Dieu. Ils le savent au fond d’eux-mêmes, par le témoignage de leur conscience et de la création divine environnante. Par conséquent, le travail du croyant n’est pas tant de convaincre et de persuader, de prouver et d’appuyer, que d’aider et d’entrainer avec amour les inconvertis à cesser de retenir captif ce qu’ils savent déjà être vrai ! Que l’Esprit nous aide dans un tel ministère.
Comme Paul, l’utilisation des Écritures, et la capacité de raisonner sur la base de la vérité scripturaire, doit être l’autorité finale et absolue de chacun. Je vous mets au défi de commencer à argumenter à partir des préceptes scripturaires pour faire valoir votre point de vue sur des questions politiques (en présentant directement le passage biblique ou ses principes au sujet d’une question).
Lorsqu’on vous dira : “Je ne considère pas la Bible comme faisant autorité”, répondez : “Si, vous le faites ; c’est juste que vous la retenez captive “. Une autre de mes réponses favorites lors d’une discussion à ce sujet est : “Devrais-je croire ce que vous déclarez au sujet de la Bible ou dois-je croire ce que la Bible déclare à votre sujet ?”
Hébreux 4:12 est justement un passage fondamental Car la parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu’une épée quelconque à deux tranchants, pénétrante jusqu’à partager âme et esprit, jointures et moelles ; elle juge les sentiments et les pensées du cœur.
Les non-croyants savent que les Écritures sont vraies. Utilisez-les lorsque vous êtes avec eux, même s’ils disent qu’ils n’y croient pas ; en réalité, ils y croient — même si, comme les Athéniens à l’Aéropage, ils essaient de convaincre les autres qu’ils n’y croient pas ! Aidez avec amour vos collègues athéniens des temps modernes à cesser de retenir captif ce qu’ils savent être vrai ! C’est la présupposée prémisse selon laquelle Paul a exercé son ministère — et vous devriez faire de même ! cm
1 Grentz, Stanley, Dictionnaire de Poche de Termes Théologiques (Downers Grove: Inter Varsity Press, 1999) p. 45
2 Calvin a appelé ce concept l’Analogie de la Foi, estimant que si l’Esprit veillait sur la redaction des l’Écritures, alors les Écritures devraient interpréter les Écritures sans contradiction.
3 Bahnsen, Greg Always Ready (Nacogdoches: Covenant Media Press, 2002) p. 238
4 Best, Earnest Commentaire Critique International, Ephesiens (Édimbourg : T&T Clark, 1998) p. 420
5 Bahnsen, p. 259
6 Stonehouse, Ned Bernard Paul face l’Aréopage (Grand Rapids : Eerdmanns, 1957) p. 30
7 Bahnsen, p. 268
8 Reymond, Robert La Justification de la Connaissance (Phillipsburg, N.J. : Presbyterian and Reformed, 1984) p. 38